mardi 19 août 2008

Par Dmitri Soloviov Reuters
Mardi 19 Août 2008 20H00

GORI, Géorgie (Reuters) - Une colonne de chars et de blindés russes a quitté mardi la ville géorgienne de Gori, mais Moscou a fait savoir que son repli sur les positions antérieures au conflit d'Ossétie du Sud, exigé par l'Occident, prendrait trois ou quatre jours.

A Bruxelles, où ils ont consacré une réunion extraordinaire à la situation dans le Caucase, les pays de l'Otan ont déclaré que des contacts réguliers avec la Russie seraient impossibles tant qu'elle n'aurait pas entièrement évacué ses troupes de Géorgie, mais ils n'ont pas annoncé de sanctions particulières ni accéléré le processus d'adhésion de Tbilissi à l'Alliance.

Les ministres des 26 alliés ont fait savoir qu'ils "étudiaient sérieusement" les implications des initiatives de Moscou, et ont décidé par ailleurs de créer une Commission Otan-Géorgie afin de resserrer leurs liens avec Tbilissi.

Moscou a aussitôt réagi en qualifiant de "partiale" la déclaration de l'Otan et en accusant ses membres de chercher à secourir et à réarmer le "régime criminel" de Géorgie.

"L'Otan tente de faire d'un agresseur une victime et de blanchir un régime criminel (...) et emprunte la voie du réarmement des dirigeants actuels de la Géorgie", a déclaré à la presse le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

Lavrov a affirmé que son pays n'avait pas l'intention d'annexer une partie du territoire géorgien et a dit que le repli de ses troupes demanderait trois à quatre jours.

"MOUVEMENTS INCONTRÔLÉS"

De son côté, le général Anatoli Nogovitsine, numéro deux de l'état-major interarmes russe, a accusé la Géorgie de ne pas procéder au retrait de ses propres forces comme le prévoit l'accord de cessez-le-feu signé par l'ensemble des parties.

Il a jugé nécessaire "de créer de nouveaux postes de maintien de la paix" en vue de stabiliser une situation marquée par "des mouvements incontrôlés de personnes armées".

Le Pentagone a fait savoir qu'il n'observait aucun signe d'un retrait important des forces russes de Géorgie.

A Gori, ville stratégique située sur la principale autoroute est-ouest de Géorgie, six véhicules transport de troupes russes, quelques chars et d'autres véhicules ont quitté la ville dans un nuage de poussière. "C'est l'une des premières unités à se retirer", a dit un responsable du ministère russe des Affaires étrangères, qui avait acheminé des journalistes sur place.

L'unité se rendait à Vladikavkaz, principale ville russe aux abords de la frontière géorgienne, a dit son commandant.

Mais à proximité, d'autres soldats russes creusaient des tranchées autour de positions d'artillerie. Des parachutistes se doraient au soleil sur des canapés provenant d'habitations civiles, peu concernés en apparence par un retrait quelconque.

Un responsable du ministère géorgien de l'Intérieur a déclaré à des journalistes que "les Russes ne cessent de déplacer leurs chars de Gori à Tskhinvali puis en sens inverse. Je démens catégoriquement que cela représente un retrait."

Un journaliste de Reuters n'a vu aucun signe de mouvements d'unités russes sur la principale route reliant l'Ossétie du Sud à la Russie durant la nuit.

Le conflit russo-géorgien est entré dans sa phase la plus violente le 7 août, Tbilissi ayant tenté de reprendre par les armes le contrôle de la province séparatiste d'Ossétie du Sud. La riposte russe a largement dépassé les frontières de la région pour s'étendre à l'intérieur du territoire géorgien.

ÉCHANGE DE PRISONNIERS

Le ministère géorgien de l'Intérieur a accusé mardi les forces russes d'être entrées dans le port pétrolier de Poti, sur la mer Noire, et d'y avoir arrêté 20 policiers. L'état-major russe a confirmé à Moscou avoir arrêté 20 Géorgiens "fortement armés" qui présentaient des risques pour la sécurité à Poti.

Accentuant sa pression sur Tbilissi, Moscou a partiellement fermé ses frontières avec la Géorgie et l'Azerbaïdjan pour empêcher l'entrée sur son territoire de "terroristes étrangers". Ces frontières resteront fermées aux non-ressortissants de la Communautés des Etats indépendants (CEI), qui regroupe les principaux pays de l'ex-Urss depuis son éclatement en 1992.

De son côté, la Géorgie a officiellement informé la CEI qu'elle se retirait de ce bloc dominé par la Russie, a annoncé le secrétariat de la CEI mardi.

Tbilissi a qualifié d'absurdes des accusations du FSB (services secrets russes) selon lesquelles la sécurité géorgienne préparerait des "actions terroristes" en Russie.

Les liaisons aériennes, ferroviaires et maritimes entre la Russie et la Géorgie sont déjà interrompues. Ce quasi-blocus porte gravement préjudice à l'économie géorgienne, fortement tributaire de la Russie.

Des organisations humanitaires ont exhorté Moscou à leur garantir un accès sécurisé à l'Ossétie du Sud, où des dizaines de milliers de personnes manquent de produits de première nécessité. Le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) s'en est entretenu à Moscou avec Lavrov.

Parmi les rares signes de coopération observés sur le terrain, Russie et Géorgie ont procédé mardi à un échange de prisonniers dans un village contrôlé par les forces des deux pays à 45 km à l'ouest de la capitale géorgienne.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a annoncé que la Géorgie avait donné son accord pour le déploiement sur son territoire de nouveaux observateurs militaires de l'OSCE. La Russie avait approuvé un peu plus tôt un compromis prévoyant le stationnement de 20 observateurs près de la zone de conflit.

Version française Gregory Schwartz, Henri-Pierre André et Philippe Bas-Rabérin

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