samedi 16 août 2008

Par Mansour Mirovalev AP

Samedi 16 Août 2008 9H00


GORI, Géorgie - Un calme très précaire régnait samedi à Gori, ville géorgienne occupée par les forces russes et située juste au sud de la province séparatiste d'Ossétie du Sud, alors que se poursuivait le ballet diplomatique destiné à faire signer l'accord préliminaire de cessez-le-feu par les deux belligérants.

Dans ce climat pesant, et alors que la situation restait inchangée sur le terrain, deux hommes, un Géorgien en tenue de sport et un Russe en uniforme, AK-47 en bandoulière, débattaient de cette guerre entre voisins du Caucase, sous une statue de Staline, le plus célèbre enfant de Gori.

Le Géorgien Archil Tadianidze, habitant de Gori, évoquait ces miliciens d'Ossétie du Sud qui prêtent main forte aux Russes pour semer la terreur dans la ville et ses alentours.

"Ils ont tué des civils dans des villages", a-t-il accusé.

"Nous avons dû employer la méthode forte avec eux, mais que faisaient vos policiers", lui a répondu Andreï Piliptchouk, porte-parole du ministère russe de l'Intérieur, venu à Gori avec une poignée de journalistes.

"Ils sont partis", lui a piteusement expliqué Tadianidze.

Dans cette ville stratégique vidée d'une large part de sa population et parcourue par des véhicules blindés russes, les habitants encore présents tentent de retrouver une vie à peu près normale. On les retrouve alignés devant les magasins d'alimentation. Certains dépassent leur appréhension et parlent aux soldats russes, qui ont rétabli un semblant d'ordre à Gori.

Si quelques bâtiments ont été détruits par le feu en périphérie de la ville, la plupart ont été épargnés par les combats. Les jeunes ont fui dans les montagnes ou rejoint Tbilissi et les rares habitants restés sur place, essentiellement des hommes et des personnes âgées, sont souvent privés d'électricité.

Mais au-delà de la survie, tous partagent la crainte de l'occupant. Manana Labadze, une femme d'une quarantaine d'année croisée à l'extérieur de Gori, près d'une base d'artillerie sous le contrôle des forces russes, expliquait qu'elle devait vivre terrée chez des proches. "J'habite là-bas. Mais je me cache dans la cave de parents parce que j'ai peur."

Vendredi, le président géorgien a paraphé sans enthousiasme l'accord préliminaire de cessez-le-feu que son homologue russe Dimitri Medvedev devait signer à son tour, selon les assurances obtenues dans ce sens par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a promis à Mme Rice que son pays mettrait en oeuvre "loyalement" le plan de paix, selon un responsable américain s'exprimant sous couvert de l'anonymat. De même source on ajoutait que la Russie devait signer le document samedi.

En vertu de cet accord de cessez-le-feu, Moscou devrait retirer ses forces combattantes de Géorgie mais serait autorisé à maintenir ses "soldats de la paix" en Ossétie du Sud, ces derniers pouvant effectuer des patrouilles d'ampleur limitée à l'extérieur de la province séparatiste.

A Gori, la présence militaire russe revient dans les faits à couper le pays en deux, la ville étant située au bord du seul véritable axe routier est-ouest de Géorgie.

Comme dans le reste du pays, l'aide humanitaire n'arrive que très lentement à Gori. Jeudi, le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) et le Programme alimentaire mondial (PAM) espéraient pouvoir y entrer rapidement pour évaluer les risques d'un acheminement de produits de première nécessité.

Or la situation est loin d'être rassurante. Des miliciens ossètes imposent leur loi à la population, sans avoir à craindre une riposte de la police, celle-ci ayant fui la ville quand les combats entre les armées géorgienne et russe ont éclaté, jetant des milliers d'habitant sur les routes.

Vendredi, des véhicules militaires russes bloquaient la voie d'accès est à Gori. Seul un autocar chargé de miches de pain a été autorisé à pénétrer dans la ville.

Garadzim Tamgiashvili, électricien de 46 ans, a affirmé qu'avant l'arrivée des troupes russes, des miliciens ossètes et des Russes du Nord-Causase s'étaient livrés à des actes de pillage, allant jusqu'à tuer des civils.

Des habitants de villages situés entre Gori et Tskhinvali, la capitale de la province, ont eux aussi fait état d'atrocités. A l'extérieur de Gori, un champ de blé était en feu samedi matin. Dans la localité de Tirdznise, le corps d'un soldat géorgien gisait, gonflé par la chaleur.

"Quand aura-t-on la paix?", s'interrogeait Iya Kinvilachvili, 30 ans, une des rares femme restée à Gori. "Nous ne voulons que la paix, nous n'avons jamais voulu cette guerre." AP

Aucun commentaire: