lundi 18 août 2008

Par Vanessa Gera AP - Lundi 18 août, 02h18

VARSOVIE - La Pologne se place sous le bouclier antimissile américain, l'Ukraine tente de limiter les mouvements de la flotte russe en mer Noire et la République tchèque dit craindre d'être aspirée à nouveau dans l'orbite russe. L'intervention russe en Géorgie n'en finit pas d'inquiéter les anciens satellites d'Europe de l'Est, qui s'efforcent de consolider leurs liens avec l'Ouest.

Le général russe Anatoli Nogovitsine, chef d'état-major adjoint, a alimenté les peurs de la région vendredi en menaçant d'attaquer la Pologne, au lendemain de la signature d'un impopulaire accord de défense antimissile avec Washington.

Condoleeza Rice se rend en Europe ce lundi et ira à Varsovie, où elle signera l'accord formel pour l'installation d'une partie du bouclier antimissiles américain en Pologne.

Au moment où la République tchèque s'apprête à commémorer mercredi le 40e anniversaire de l'invasion soviétique de la Tchécoslovaquie en 1968, qui écrasa le mouvement réformateur du Printemps de Prague, l'intervention russe en Géorgie a un air de déjà-vu. "Les chars russes dans les rues des villes géorgiennes nous rappellent (...) l'invasion de 1968, mais ce n'est pas que de l'histoire. La question de savoir si nous appartenons ou pas à la sphère d'influence russe reste d'actualité", écrit ainsi le Premier ministre polonais Mirek Topolanek dans le quotidien "Mlada Fronta Dnes".

Dans toute l'Europe de l'Est, le conflit russo-géorgien fait la "Une" et déclenche des manifestations de soutien à la Géorgie. Mardi, le président polonais Lech Kaczynski et ses homologues lituanien, estonien, ukrainien et letton ont manifesté à Tbilissi la solidarité de Varsovie et de ces anciennes républiques soviétiques avec la Géorgie.

"L'Etat russe a une fois de plus montré son vrai visage, ce visage que nous avons connu pendant des siècles", a lancé Lech Kaczynski. L'Allemagne et l'URSS alliées s'étaient partagé la Pologne au début de la Seconde Guerre mondiale, puis après la guerre elle est devenue l'un des pays satellites de l'Union soviétique en Europe de l'Est.

Moscou a ravivé les peurs ces dernières années en employant l'arme de l'énergie contre ses anciens vassaux. Juste après la Révolution orange pro-occidentale, à l'hiver 2004, la Russie a par exemple coupé le gaz à l'Ukraine.

"J'ai peur de ce qui se passe en Géorgie en ce moment", confiait Juste Viaciulyte, un étudiant de 23 ans en manifestant jeudi à Vilnius, la capitale lituanienne. Et de noter que l'enclave russe de Kaliningrad, coincée entre son pays et la Pologne, "est bourrée de soldats russes, de missiles et de chars". "Il ne leur faudrait que quelques heures pour déclencher un cauchemar semblable en Lituanie si les choses tournaient vraiment mal".

Mais de toutes les nouvelles démocraties d'Europe de l'Est, l'Ukraine, bloquée entre la Russie et des Etats membres de l'OTAN qu'elle aimerait rejoindre, est probablement la plus vulnérable, d'autant plus qu'elle n'appartient pas encore à l'Union européenne et l'Alliance atlantique, souligne Eugeniusz Smolar, directeur du Centre des relations internationales à Varsovie. L'Ukraine "est politiquement très instable, il y a une forte composante politique pro-russe, et le renseignement russe y est très actif", analyse-t-il.

L'Ukraine est stratégiquement importante pour la Russie car le pétrole et le gaz russes destinés à l'Ouest y transitent, et que Sébastopol est le port d'attache de la flotte russe de la mer Noire. A l'expiration de l'accord en 2017, Kiev ne veut plus des bâtiments russes. Le gouvernement a d'ailleurs manifesté son soutien à Tbilissi en restreignant les mouvements de la flotte russe participant à l'intervention millitaire en Géorgie.

Le lien émotionnel entre l'Ukraine, qui abrite une vaste population russophone dans l'Est et le Sud de son territoire, et la Russie reste puissant, et Moscou n'a toujours pas digéré les efforts de Kiev pour intégrer l'OTAN, considéré comme l'ennemi. Dans ce contexte, Kiev craint que sa candidature à l'Alliance atlantique ne soit refusée par peur de la réaction de la Russie.

Et même l'appartenance à l'OTAN n'apparaît pas comme une protection suffisante à certains pays d'Europe de l'Est. L'accord de défense conclu jeudi à Varsovie comprend ainsi une garantie d'intervention américaine rapide. "Rien ne sert de prêter assistance à des morts. La Pologne veut appartenir à des alliances où l'aide arrive dans les toutes premières heures" d'un éventuel conflit, a expliqué le Premier ministre Donald Tusk.

Les Etats baltes, qui abritent d'importantes minorités russes, redoutent pour leur part que Moscou ne répète le scénario de l'Ossétie du Sud, en accordant des passeports russes à la population et en intervenant ensuite au nom de la protection de ses ressortissants.

Choisir son camp n'est cependant pas facile pour les anciens satellites de Moscou, qui se demandent si le principal effet du renforcement des liens militaires avec les puissances occidentales consiste à les protéger ou à nourrir les tensions avec la Russie. AP

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