Par Guy Faulconbridge Reuters
Vendredi 15 août, 16h53
MOSCOU (Reuters) - Les plus hauts dirigeants politiques et militaires russes ont élevé la voix pour condamner l'accord signé jeudi soir sur l'installation d'un bouclier antimissile américain en Pologne.
Pour l'état-major de l'armée russe, cet accord, officiellement dirigé contre des "Etats voyous" comme l'Iran, aggrave les relations entre Washington et Moscou.
"On ne peut que déplorer que dans cette situation des plus difficiles, la partie américaine aggrave ses relations avec la Russie", a déclaré le général Anatoli Nogovitsine, chef d'état-major adjoint des armées, lors d'une conférence de presse.
La Pologne a formellement accepté jeudi d'accueillir sur son territoire des éléments du bouclier antimissiles américain, après la promesse de Washington de renforcer le système polonais de défense aérienne.
Le gouvernement américain assure que ce dispositif vise à protéger les Etats-Unis et leurs alliés de missiles à longue portée tirés par l'Iran ou des groupes activistes.
Le Kremlin rejette cette thèse et s'oppose au bouclier en faisant valoir qu'il modifie l'équilibre des forces en Europe. Les généraux russes assurent cependant qu'il serait impuissant à arrêter les missiles de Moscou.
Dans la station balnéaire de Sotchi, sur la mer Noire, où il recevait la chancelière allemande Angela Merkel, le président russe Dmitri Medvedev a lui aussi déclaré que le projet de bouclier américain visait la Russie.
"Cette décision illustre clairement nos récentes déclarations à ce sujet: le déploiement de nouvelles forces antimissiles a pour objectif la Fédération de Russie", a-t-il dit.
"PAROLES DÉPLAISANTES ET MENACES"
Selon le représentant permanent de la Russie auprès de l'Otan, Dmitri Rogozine, le moment choisi par Washington prouve que ce système vise la Russie et non l'Iran.
"Le fait que cela soit signé dans une période de crise très difficile dans les relations entre la Russie et les Etats-Unis sur la situation en Géorgie montre que ce système de défense antimissiles ne sera pas déployé contre l'Iran, mais contre le potentiel stratégique de la Russie", a déclaré Rogozine, interrogé par téléphone.
Le diplomate a également dénoncé le fait que Washington n'ait pas soutenu Moscou dans le conflit en Géorgie et estimé que les relations entre les deux pays risquaient d'en pâtir.
"Je considère que les Etats-Unis ne se montrent pas prudents dans cette situation. Au lieu de recevoir un soutien moral et politique total dans notre lutte contre une agression bien réelle et un nettoyage ethnique, nous n'avons entendu que paroles déplaisantes et menaces", a-t-il estimé.
Selon des politologues polonais, les images de chars russes pénétrant en territoire géorgien ont pu pousser Varsovie à accepter l'accord américain, après des mois de négociations.
Cet accord, préviennent-ils, risque de relancer les tensions entre Varsovie et Moscou quelques mois après la décision du Premier ministre polonais Donald Tusk de chercher une relation plus apaisée avec Moscou.
"On peut s'attendre à ce que cela marque le début de la fin des pourparlers russo-polonais. Cet accord peut être considéré comme un accord purement antirusse", estime Kazimierz Kik, professeur de sociologie à l'académie Swietokrzyska.
"Cela intègre la Pologne au système de défense américain et, selon moi, place la Pologne sur la route très empruntée de l'erreur qui consiste à chercher ses alliés au loin et ses ennemis à proximité."
Dmitri Jdannikov, Conor Sweeney, version française Jean-Stéphane Brosse et Gregory Schwartz
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