samedi 16 août 2008

Par Sue Pleming Reuters

Vendredi 16 Août 2008


WASHINGTON (Reuters) - Isoler Moscou en réponse à son incursion en Géorgie n'est pas tenable sur le long terme pour l'administration Bush: la Russie est tout bonnement trop importante pour les Etats-Unis, selon les analystes.

Washington a beaucoup à perdre si d'aventure les relations américano-russes retrouvaient leur niveau de la Guerre froide: de la coopération sur les dossiers nucléaires iranien et nord-coréen, aux accès vers l'Asie et l'Afghanistan sans oublier le fait que la Russie est un gros pourvoyeur d'hydrocarbures et de gaz.

"Je n'ai jamais pensé que nous étions très efficaces quand nous manions le bâton et la carotte avec une nation aussi grande que la Russie", explique James Collins, ancien ambassadeur américain en Russie, qui travaille aujourd'hui à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.

"Nous n'avons jamais gagné grand chose à ne pas parler aux gens qui sont différents de nous", ajoute-t-il.

"Il me semble qu'il faudrait une sacrée bonne raison pour rompre les liens avec la Russie et revenir aux heures sombres de la Guerre froide. Je ne pense pas que les événements (en Géorgie) nous fournissent encore cette raison", estime de son côté Charles Kupchan du Council on Foreign Relations.

"Les deux parties ont bien trop besoin l'une de l'autre", juge-t-il.

Depuis le début de la crise ouverte entre la Russie et la Géorgie, la réponse américaine a été surtout rhétorique. Très peu de décisions concrètes sont venues marquer la désapprobation des Etats-Unis, qui ont toutefois exclu Moscou de discussions au sein du G8 et annulé un exercice naval conjoint.

Vendredi, le président Bush a haussé le ton contre les Russes vendredi, jugeant "absolument inacceptables" leurs opérations militaires en Géorgie.

"DÉGÂTS"

George Bush comme sa secrétaire d'Etat Condoleezza Rice ont prévenu la Russie que son intervention dans l'ancienne république soviétique handicapait sa candidature au sein d'organismes internationaux comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

"Si la Russie veut commencer à réparer les dégâts qu'elle a causés à ses relations avec les Etats-Unis, l'Europe et les autres nations, si elle veut restaurer son rang sur la scène mondiale, elle doit mettre fin à cette crise", a souligné le président américain dans son allocution hebdomadaire.

Condoleezza Rice, experte en affaires soviétiques et bilingue en russe, a évité Moscou cette semaine alors qu'elle s'est rendue en Géorgie après une brève escale en France.

Le département d'Etat fait savoir régulièrement qu'elle s'entretient avec son homologue russe Sergeï Lavrov mais c'est aux côtés du président géorgien Mikhaïl Saakachvili qu'elle a passé toute la journée de vendredi.

Les relations bilatérales se sont détériorées graduellement ces dernières années. Les pommes de discorde sont nombreuses, comme le projet de bouclier anti-missiles que les USA ont proposé à la Pologne et la République tchèque ou le soutien apporté à l'indépendance du Kosovo et à la candidature de la Géorgie à l'Otan.

Après des mois de blocages, Washington et Varsovie ont signé jeudi soir un accord autorisant le déploiement d'éléments du bouclier sur le sol polonais, ce qui ne va rien arranger aux relations américano-russes. "Le timing n'a rien d'accidentel", commente Charles Kupchan.

Pour les autorités américaines, il faut trouver le bon équilibre entre punir la Russie ou prendre le risque de ne rien faire au motif que Moscou est un partenaire stratégique.

"Nous ne pouvons pas perdre de vue ce qui est en train de se passer, à savoir que, pour la première fois depuis que l'Union soviétique s'est effondrée, des soldats russes ont envahi et occupent un pays tiers", dit l'ancien haut responsable du département d'Etat, Strobe Talbott, aujourd'hui président de la Brookings Institution.

"Mais isoler la Russie ne fait pas vraiment partie des options possibles. La Russie ne peut pas être isolée, elle est trop grande, trop puissante", reconnaît-il.

Version française Laure Bretton

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